28 septembre 2024

Monk’s Casino Die Enttäusschung & Alexander von Schlippenbach live/ Kris Vanderstraeten Daniel Duchamp Luis Ferin Timo Van Luyck/ Pierre Michel Zaleski & Antoine Herran

Quelques super LP's produits avec amour !!

Monk’s Casino Die Enttaüschung & Alexander von Schlippenbach live vom 6.11.2011 im Au Topsi Pohl Berlin Two-Nineteen Records 2-19-007.

Alexander von Schlippenbach, Axel Dörner, Rudi Mahall, Jan Roder, Michael Griener.
https://dieenttaeuschung.org/

Monk’s Casino est aussi le titre de l’intégrale des compositions de Thelonious Monk enregistrée par ces mêmes musiciens pour le label Intakt dont c’était la centième publication en 2005. Avec ce triple CD d’il y a vingt ans, les quatre de Die Enttäuschung, le clarinettiste (basse) Rudi Mahall, le trompettiste Axel Dörner, le bassiste Jan Roder et le batteur Uli Jennessen ont acquis un solide début de reconnaissance. Cela leur a permis de tourner et d’avoir au catalogue Intakt avec quelques albums passionnants avec la musique de leur cru . Présenté alors par les chroniqueurs comme un projet sous la houlette d’Alex von Schlippenbach, ccela revenait à méconnaître le talent et le travail du quartet Die Enttäuschung (la Déception) qui travaillait d’arrache-pied toutes les compositions de Monk depuis des années en créant des arrangements – collisions avec trompe l’œil narquois et dérapages concertés déconcertants depuis plus de dix ans. En témoigne le premier double album vinyle de Die Enttäuschung enregistré en 1995 entièrement consacré entièrement aux compositions de Thelonious Monk avec pas moins de 16 morceaux … de connaisseurs, parmi lesquelles on trouve Ask Me Now, Let’s Cool One, Humph, Hornin’In, Coming on the Hudson, Let’s Call This, Four In One, Think of One, Evidence, Shuffle Boil. Ça nous change des hommages où on récite benoîtement Round Midnight, Straight No Chaser ou Blue Monk comme à l’école. Tout Monk, un sacré défi de 68 compositions, jouées dans ce merveilleux coffret CD , Monk’s Casino InTakt 100 ! C’est une musique qui demande un aplomb rythmique essentiel. Le grand maître du Monkisme des années 50 au niveau saxophone n’était personne d’autre que Sonny Rollins : Newk était présent aux répétitions lorsqu’un nouveau saxophoniste s’initiait aux mystères du Moine pour expliquer par l’exemple le moindre détail de chaque partie, accents, rythmes, intonations, doigtés... On retrouve aussi des compositions de Monk dans leur vinyle suivant paru sur le label US Crouton. Avec le batteur Uli Jenessen et ensuite, Michael Griener, et le bassiste Jan Roder, le quartet a une assise rythmique solide, fluctuante, attentive à tous les écarts et les fulgurances des deux souffleurs tant Rudi Mahall à la clarinette basse qu’Axel Dörner à la trompette. Celui-ci s’est révélé être un avant-gardiste réductionniste « lower case » époustouflant en inventant une nouvelle pratique instrumentale et musicale radicale, implosant le jeu de la trompette dans un « bruitage » permanent qui, à l’écoute attentive, se révèle tout aussi complexe que celle de la génération précédente des Evan Parker, Günter Christmann, Bailey ou Paul Lovens. On l’a entendu avec John Butcher et Xavier Charles, Mark Sanders, Jim Denley, Keith Rowe, Burkhard Beins, Tony Buck, Fred Lonberg-Holm dans des concerts et des albums carrément « anti-jazz » au point que plusieurs improvisateurs libres patentés dénigraient cette démarche. Mais Axel est un excellent trompettiste et un solide musicien, il suffit pour les amateurs de jazz « moderne » stricto sensu d’écouter les enregistrements de Monk’s Casino. Rudi Mahall, lui s’affirme comme un jazzman dans le fil de la tradition avec une vision anarchiste free, une éthique anti show-biz et pas mal d’humour. Il a un seul privilège : être le seul clarinettiste basse qui incarne le dolphysme tout en avouant qu’Eric Dolphy reste toujours imbattable sur son terrain depuis sa mort en 1964. Il swingue à mort en sursautant avec une vivacité extraordinaire et un souffle déchirant avec un sens de la répartie immédiate qui est la marque des grands improvisateurs. Axel et Rudi s’entendent comme des larrons en foire pour synchroniser leurs efforts, dialoguer un instant et parfois disrupter l’ordonnancement des riffs et embranchements mélodiques en télescopages et collisions ubuesques. Tous deux conçoivent des arrangements des morceaux de Monk pleins de malice et basés sur des « mistakes » (erreurs !). Rudi est déjà un virtuose qui transgresse ses propres limites sonores et de souffle en n’hésitant pas à encanailler le son, grailler les graves et mordiller avec délice et rage les aigus dans des écarts d’intervalles audacieux avec sens du rythme phénoménal. La présence profondément acoustique de Michael Griener entretient une sonorité de batterie à l’ancienne et un style éminemment personnel directement reconnaissable surtout en quartet. Leur batteur précédent, Uli Jenessen, un maillon essentiel de l’équipe, avait malheureusement quitté le groupe et Mahall s’est alors tourné vers Michael Griener, son ami d’adolescence avec qui il improvisait régulièrement. Le jeune Griener découvrit Paul Lovens dans les concerts organisés par Günter Christmann à Hanovre et fut entièrement convaincu : il devint dès lors un des collaborateurs les plus proches de Christmann. Jan Roder et son flair de bassiste puissant et lucide assure la continuité du flux tout en se concentrant sur les aléas rythmiques peu prévisibles du quartet en action – réaction. Aussi, on l'entend dans plusieurs groupes "locaux" d'allumés d'envergure. À ces joyeux drôles, s’adjoint ici le légendaire pianiste Alexander von Schlippenbach, un pionnier incontournable du free-jazz à l’européenne, un expert en piano classique et contemporain ainsi qu'en jazz moderne. Et quel compositeur ! Comme improvisateur « free », il est un pianiste hors du commun alliant un sens des pulsations, des harmonies et un toucher rares avec une imagination déconcertante et une énergie exponentielle, spécialement en trio ou quartet avec Paul Lovens et Evan Parker, groupe à la fructueuse longévité. Sa présence ajoute « un peu de sérieux » et une assise puissante à Monk’s Casino, sous – titré « Die Enttäuschung & Alexander von Schlippenbach ». Tout au long de sa longue carrière (il est né en 1937), Alex a toujours joué des pièces de Thelonious Monk. Soit avec le Globe Unity Orchestra : Evidence dans Globe Unity Special 1975 avec Steve Lacy, le monkien par excellence et Ruby My Dear dans Pearls avec Braxton à l’alto. Ou en trio avec Sunny Murray et Nobuyoshi Ino, Light Blue - Schlippenbach Plays Monk (Enja) et en solo, Schlippenbach Plays Monk (InTakt. Il choisit souvent les pièces de Monk les moins jouées par d’autres. Avec Die Enttäuschung, il joue les thèmes monkiens avec une belle fermeté et souplesse et improvise dans un style voisin des pianistes contemporains de Monk,comme Sonny Clark par exemple, tout en adhérant imperturbablement aux fluctuations du tandem rythmique et aux « erreurs » , fulgurances, errements et pied-de-nez endiablés ou narquois des deux souffleurs, sans parler des emboîtements saugrenus entre deux compositions. Comme toujours les pochettes de leurs disques ou cd’s sont ornées par les collages abracadabrant de Katja Mahall.
Le programme de Monk’s Casino n°2 en vinyle : Side 1 : Thelonious, Locomotive, Trinkle Trinkle, Let’s Cool One, Let’s Call This.
Side 2 : Coming on the Hudson, Bemsha Swing, 52nd Street Theme, Pannonica, Friday the 13th.
Side 3 : Evidence, Misterioso, Sixteen, Skippy.
Side 4 : Green Chimneys, Little Rootie-Tootie, Off Minor, Hackensack, San Francisco Holiday
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Au vu de ces titres, on constate qu’ils ont tenu à enregistrer d’autres morceaux que ceux qui figurent dans le double album inaugural Two Nineteen 001 de 1995 (sans Schlippenbach). On mesure aussi l’évolution de leur savoir-faire et la maturité de leur inspiration. Un des groupes de jazz contemporain les plus remarquables dont les autres albums « 4 », « 5 », Vier Halbe et Lavaman publiés par Intakt en cd et les CD’s 2-19 Music Minus One et Die Komplette Enttaüschung (inclus dans un catalogue des pochettes - collages colorés de Katja Mahall) nous font découvrir une musique d’une finesse rare, plus improvisée et free qui se révèle être un enchantement pour ceux qui connaissent bien le jazz pointu et le free-jazz créatif. Il faut entendre Rudi Mahall joindre les deux bouts en intégrant le message dolphyen, des soupçons d’héritage konitzo-tristanien et l’improvisation sonore radicale. Chacune de leurs interventions individuelles s’imbriquent dans l’instant avec celles des autres avec une dynamique, un dynamisme, la surprise de l'instant et une écoute hyper active.
Ces musiciens sont surtout connus en Allemagne et comme ils ne courtisent pas les musiciens les plus en vue provenant des USA ou d’ailleurs qui alimentent les médias spécialisés et les festivals importants, afin de multiplier les opportunités en invitant X ou Y etc… Préférant leurs potes de la riche scène locale ,Die Enttaüschung demeure un groupe trop méconnu par rapport à leur cohérence, leur talent et leur humour. NB pas de lien audio pour ce double LP et les autres albums 2-19, mais acheter les disques Two Nineteen directement, ils ne sont pas distribués. Adressez-vous à https://dieenttaeuschung.org/

Kris Vanderstraeten Daniel Duchamp Luis Ferin Timo Van Luyck Traces du Hasard La Scie Dorée scie 3824
https://lasciedoree.be/shop/lp/timo-van-luijk-kris-vanderstraeten-daniel-duchamp-luis-ferin-traces-du-hasard-lp/
https://timovanluijkkrisvanderstraeten.bandcamp.com/album/traces-du-hasard

Cet album Traces du Hasard relate la première rencontre de l’artiste sonore Timo Van Luyck avec un bel échantillon des fanatiques de la free music de la région de Bruxelles. Kris Vanderstraeten est un curieux percussionniste inventeur – bricoleur de son propre kit truffé d’accessoires et d’objets comme vous n’en trouvez plus aujourd’hui. Un échappé de la mouvance Paul Lovens Paul Lytton John Stevens et Andrea Centazzo. Lui et son pote Daniel Duchamp ont commencé à jouer ensemble lors de leur service militaire : ils jouaient dans le placard de leur chambrée, Kris du sax et Daniel du cornet, pour ne pas importuner le sergent. Daniel, je crois était alors un fan de Leo Smith et un ferré de Derek Bailey, Peter Kowald et cie, tout comme Kris. Ils ne rataient aucun concert ou festival, y compris Moers à la grande époque ou Actual 1980. Par la suite, Kris a inventé ses batteries successives tout en prenant un cours du soir de percussion et Daniel a exploré la contrebasse. Parmi leurs copains, le saxophoniste Luis Ferin, originaire de Madère, a opté pour le sax soprano. Ici, à la guitare et au sax, Luis était de la bande des créatifs de la défunte Médiathèque de Belgique. Qu’est-il devenu ? Daniel s’est orienté par la suite brillamment dans la musique électronique après avoir officié dans le Van Trio avec Kris et moi-même. Lorsque vous êtes comme Kris et moi des chercheurs avides de trente-trois tours de free-music, impossible d’éviter Timo Van Luyck, qui trônait au comptoir de Pêle-Mêle, la plus antique source bruxelloise de raretés discographiques de nos collections naissantes puis encombrantes. Le voici , crédité auto-harp, sound effects, percussion. Au début des années nonante, Timo cherchait sa voie et collaborait avec Peter Faes, le sonorisateur d’Univers Zéro, au sein du légendaire Noise Maker’s Fife. Puis sont venus Af Ursin, Asra, Andrew Chalk (In Camera ) , Christoph Heemann (Elodie), son label vinyle la Scie Dorée, High Noon, le duo avec Kris (+50 concerts !) et son extraordinaire label Metaphon qui documente des artistes sonores expérimentaux et des compositeurs atypiques dans de somptueux albums ou coffrets CD’s. Timo est un producteur d’albums perfectionniste et de haut vol. Dans la foulée, il n’a pas hésité à se plonger dans ses archives pour faire revivre cette première rencontre hasardeuse mais néanmoins réussie, enregistrée dans le hangar de la gare de Zichem, village fétiche de la culture littéraire flamande (cr De Witte d’Ernest Claes). Mystères, acoustique un peu caverneuse , développement spontané d’improvisations instantanées dont Timo a sélectionné des les extraits les plus évidents. Les musiciens étaient réunis pour chercher, s'essayer à inventer, s’écouter, dériver poétiquement avec autant de cohérence que d’indépendance, à l’abri du show, du besoin de convaincre, dans une quête introspective voire introvertie et tout autant expressionniste. Un document finalement éclairant, sans prétention, mais reflétant la volonté affirmée de s’exprimer sans frein ni arrière-pensée avec un intense plaisir de jouer. Pochette ornée d'un beau collage de Timo Van Luyck. J'ajoute encore que Daniel Duchamp est un excellent photographe et Kris, un graphiste et dessinateur talentueux, exposé à plusieurs reprises.

Pierre Michel Zaleski et Antoine Herran Le paysage réservé LP vinyle auto-produit

Pierre Michel Zaleski est un vocaliste autodidacte avec du coffre et une voix de basse démentielle. Il a commencé à improviser suite à une expérience dans le blues, un travail artistique théâtral et un autre comme caméraman vidéo de talent en Pologne, puis en Belgique. On lui doit d’ailleurs un documentaire sur Mats Gustafsson. Au fil d’expériences avec le contrebassiste Peter Jacquemyn, la danseuse Sofia Kakouri, le guitariste Valentin Becmann et plusieurs rencontres et ateliers, il s’est affirmé comme un vocaliste improvisateur de scène impressionnant. Nous nous sommes tous deux commis en duo à Bruxelles et à Londres et dans des ateliers d’improvisation. Il avait dans l’idée de réaliser un album vocal en solitaire et il s’est adressé à Antoine Herran pour l’enregistrer. Ce qui fut fait dans une vieille maison d’Ixelles. Antoine se trouvait en Roumanie lorsque la pandémie s’est déclenchée et a été forcé d’y rester. Comme il avait les enregistrements à portée de la main, il s’est mis à concevoir méticuleusement une trame musicale avec des guitares, une mandoline, un tambour, des objets pour essayer de coïncider avec le flux vocal, les mélodies, les accents de la vocalité de Pierre Michel. Celui-ci chante en « yaourt » (sans paroles ou dans un langage imaginaire) avec son énorme voix grave, graveleuse, growlante à souhait, créant exhortations chamaniques, diplophonies dignes de celles des montagnards bouriates ou des pasteurs mongols. Il grogne, éructe, murmure, halète. On décèle comme une saveur, des échelles de notes qui proviendraient d’une musique d’une contrée d’Asie Centrale et, heureusement une belle coïncidence se dessine dans les gammes « primitives » non tempérées du jeu de guitare et de mandoline déjanté d’Antoine Herran. Celui-ci a la sensibilité et l’inspiration requises pour ne pas dénaturer le travail de Zaleski, mais l’enrichir, l’ensauvager plus encore et transformer cette aventure en OSNI. Une manière de « folk » free extra-européen alimenté par le blues frappadingue des trous perdus du Mississipi et un Orient inconnu imaginaire ou fantasmé, mais authentique, au-delà du ressenti superficiel ou de l’emprunt anecdotique. Certains morceaux sont parsemés d’effets de guitare électrique qui ajoute une touche punk ou noise, sans doute pour familiariser les auditeurs biberonnés au rock « expérimental ou expérimétal » (que sais-je ?). Une bien belle réussite et un travail de production de haut niveau : pochette du LP double encart, présentation, son, mixage et les multi-pistes réussis du dernier morceau d’anthologie de la fin de la face B. Pour acquérir le disque 33T Le paysage réservé, s'adresser à Pierre Michel Zaleski : pmichel.zaleski@gmail.com

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