26 février 2019

Healing Unit - Paul Wacrenier/ From The Roots To The Sky Joe Fonda & Jaimoe/ Exultations Luca Pedeferri / Dániel Vaczi Multet Reticular


Healing Unit Please Repeat Xavier Bornens Arnaud Sacase Paul Wacrenier Marco Quaresimin Benoist Raffin LFDS Records
From The Roots To The Sky The J.&F. Band Jaimoe & Joe Fonda avec, entre autres, Tiziano Tononi, Raoul Bjorkenheim, Alberto Mandarini plus guests dont Daniele Cavallanti. Long Song Records
Dániel Vaczi Multet Reticular FMR
Exultations Luca Pedeferri Setola di Maiale
Voici quatre albums de jazz plus ou moins aventureux et réussis construits de manière originale et qui, dans le genre, sortent assez des sentiers battus.  Il se fait que, comme vous pouvez le lire clairement en haut de la présente page et de manière inamovible : je ne suis pas un critique de jazz, ni de jazz aventureux ou encore de « free-jazz » tout terrain, sauf pour quelques exceptions très libérées au niveau de l’expression et des paramètres formels. Ce qui m’intéresse d’abord et je n’ai pas le temps ni l’énergie ni la place ici de publier autre chose, c’est la musique improvisée libre (radicale, totale, etc…). Cela dit, il m’arrive de disserter sur des artistes historiques comme Ornette Coleman, Albert Ayler ou Paul Bley seulement pour signaler un ou deux points bien précis qui éclairent leur œuvre de pionnier et qui échappent à l’enfumage occultant et malabile de l’encensoir des communicants professionnels. Ou, encore, cet extraordinaire et récent enregistrement de Jeanne Lee et Ran Blake où leur travail de déconstruction des formes conventionnelles les mène sur la route du chantier ludique permanent.
Donc, je reçois de plus en plus des requêtes de producteurs dont j’ai chroniqué d’autres albums plus « improvisés » et qui souhaiteraient que je m’étende sur leurs autres productions nettement plus jazz. Cela m’embarrasse, car j’ai du respect pour les musiciens de qualité et de l’admiration pour le travail fignolé et l’enthousiasme des protagonistes. Mais à chaque jour suffit sa peine. Il m’est impossible de faire le chroniqueur de jazz tous azimuts. Mon dada, c’est la musique improvisée libre, radicale, contemporaine, risquée ou éventuellement le « free » free-jazz qui sort des conventions du genre.
Please Repeat est un excellent travail dans la veine Blue Note créative et modale sixties tirant vers le free. On songe à Bobby Hutcherson, Andrew Hill, Pete La Roca, Joe Chambers, Grachan Moncur et les deux albums de Jackie McLean avec Hutch et Moncur etc… Le pianiste et vibraphoniste Paul Wacrenier a concocté une remarquable Repeat Please Suite pour un quintet plus que compétent et qui swingue sans effort avec légèreté. On l’entend évoquer aussi Dollar Brand qui inspira Don Cherry (cfr Complete Communion). Le saxophoniste Arnaud Sacase délivre un solo free à un moment et franchement quand tu écoutes Trevor Watts (80 ans aujourd’hui) improviser durant une heure et plus au sax alto avec le pianiste Veryan Weston, tu te demandes quel sens cela a-t-il ? Cette remarque mise à part, je dois dire que j’en conseille l’écoute à tous ceux qui se délectent de jazz moderne original sans se préoccuper de la notoriété des musiciens. Ce ne sont pas des copistes, plutôt des artistes qui utilisent les codes d’un jazz, qui fut d’avant-garde il y a plus de cinquante ans, avec un goût subtil et un parfum de poésie. From the Roots to The Sky est un double album qui fait suite au projet From the Roots, soit une « rencontre » œcuménique autour de la Great Black Music tout azimut avec des invités spéciaux, orchestrée / organisée par le contrebassiste Joe Fonda, un artiste et soliste de la contrebasse très original. J’ai souligné l’excellence de son travail en compagnie de la pianiste Sakoto Fuji récemment. Un précédent album de From the Roots incluait Anthony Braxton et Fonda fut le bassiste des ensembles braxtoniens dans les années nonante. Deux batteurs ! Comme dans le génial groupe The Allman Brothers Band, dont Jaimoe (Jay Johanni Johansen) fut l’un des deux batteurs et membre fondateur du groupe. Quelle surprise ! L’Allman est sans nul doute la plus extraordinaire conjonction du swing issu du RnB sudiste, du blues électrique à haute tension et de l’inspiration du jazz moderne via Miles et Trane avec une propension à improviser comme peu dans ce genre. La musique des Allman Brothers durant plusieurs décennies se situe au pinacle aux côtés de Jimi Hendrix et de Grateful Dead. L’autre batteur est Tiziano Tononi, une fameuse pointure du jazz libéré italien. Raoul Björkenheim, un guitar slinger free impressionnant, le trompettiste Alberto Mandarini, le tromboniste Beppe Caruso et le tubiste Gianluigi Paganelli complètent l’équipée avec quelques invités mettant en valeur quelques morceaux. L’orchestre sonne super bien. Une remarque très personnelle : Raoul Björkenheim use des effets électroniques et joue musclé, mais je pense qu’en présence d’un contrebassiste mélodique aussi racé, puissant, risqué et original que Joe Fonda, la décence voudrait qu’on joue dans le même registre instrumental avec les doigts d’abord. Il se fait que j’adore Jimi Hendrix pour l’utilisation de ces effets qui incarne magiquement la voix humaine (Machine Gun : Band of Gypsies au Fillmore). Mais tous les autres m’indiffèrent avec leurs effets électroniques. Je suis un fan absolu de Jerry Garcia, de Duane Allman et de Dicky Betts parce qu’ils improvisent avec les notes, les mélodies, les métriques, les harmonies et leur imagination. Des effets, cela m’ennuie.. Derek Bailey utilisait ses doigts et une pédale de volume (ou deux durant les 70’s) et c’est tout ! Le premier CD contient le fabuleux Dixie Chicken de Little Feat et le second, un duo J.&F. suivi d’un quartet durant  18 minutes et une Super Jam de 28 minutes qui renvoie en partie à l’atmosphère de Miles Électrique. Super énergie. Exultation est un intéressant projet orchestral du pianiste Luca Pedefferri inspiré par la musique d’Henry Cowell. Piano et accordéon, sax ténor, contrebasse, batterie, electronics & turntables, trompette, flugelhorn et voix. Jazz anti–académique, une manière de Third Stream contemporain, une démarche intelligente et nourrie par une véritable érudition musicale qui vaut le détour. Pour finir, Reticular du Dániel Vaczi Multet, prouve encore une fois que les musiciens de jazz aventureux des pays de l’Europe de l’Est sont informés musicalement par le rock progressif ou expérimental, Zappa, Crimson, Can etc… plus que par le free-jazz ou l’improvisation, car ces musiques passaient beaucoup moins facilement le rideau de fer.
Maintenant,  STOP !  Je ne suis pas intéressé pour écrire au sujet du jazz, ni être publié dans un magazine de jazz (qui formate voire censure), ni faire "carrière" que ce soit avec ma plume ou sur scène. Il y a des critiques dont c’est la raison d’être. Mon écriture est liée à ma pratique musicale et je n’ai aucune ambition, si ce n’est d’avoir du plaisir.

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